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Nouveau fiasco pour le climat

Nouveau fiasco pour le climat

Samedi 8 décembre à 3 h 30 (1 h 30 à Paris), quand, sur les écrans du centre de convention de Doha, a été annoncé, sans plus d’explication, le report à 7 h 30 de la réunion où devait être dressé l’état des lieux de la négociation sur le climat, tout le monde a compris que c’était fichu. Qu’il n’y aurait pas d’accord dans la nuit et que la 18e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qui devait être une simple réunion“sans enjeux majeurs”, entrait dans une zone de grand danger.

Le président de la conférence, le Qatari Abdullah Ben Hamad Al-Attiyah, après avoirdemandé aux négociateurs de l’“aider à faire sortir la fumée blanche”, avait déjà repoussé trois fois le rendez-vous fixé initialement à 23 heures vendredi.

Que s’est-il passé avant que la conférence ne parte dans le décor ? A cette heure où le manque de sommeil pèse lourd, personne n’avait la réponse. Les rumeurs ont commencé àcirculer et les nerfs à lâcher. Ce qui est sûr, c’est que la journée avait mal commencé et que petit à petit, toutes les discussions se sont grippées. Retour sur une folle nuit dont sont malheureusement coutumiers les diplomates du climat.

“La présidence a mal utilisé les ministres, nous sommes dans la confusion la plus totale”,déplore Tim Gore, de l’ONG Oxfam, qui, comme beaucoup, a vu nombre de ministres déambuler dans les immenses couloirs du centre de convention. Peu auparavant, la ministre brésilienne de l’environnement, Izabella Teixeira, a rejoint ses conseillers dans le hall, sous l’immense araignée de métal sculptée par Louise Bourgeois : “Il y a un endroit où je peux dormir ?”, implore-t-elle.

“LES AMÉRICAINS NE VEULENT RIEN DONNER”

L’équipe américaine, elle, reste sur le pied de guerre. “Les Américains veulent faire sauterdouze paragraphes dans un texte. Les pays émergents sont furieux“, affirme, de “source sûre”, un participant. Todd Stern, l’envoyé spécial de Hillary Clinton, tient conseil, sandwich et café à la main, dans la cafétéria.

Toute la semaine, il a plutôt joué la discrétion. Fausse impression. “C’est toujours comme ça, les Américains font profil bas parce qu’ils ne veulent rien donner. Mais quand on franchit leur ligne rouge, ils contre-attaquent”, décrypte un négociateur africain qui préfèrealler s’installer ailleurs : “Je ne peux plus supporter leur arrogance. Ils sont la première puissance du monde. Je viens d’un pays pauvre. Nous n’avons plus rien à nous dire.”

Barack Obama va demander une rallonge budgétaire de 60 milliards de dollars au Congrès pour les régions touchées par l’ouragan Sandy. La somme même que réclament les pays en développement d’ici à 2015 pour les aider à faire face au réchauffement, et qu’ont refusé d’envisager les pays industrialisés à Doha. Difficile à avaler.

Les petits Etats insulaires et les pays les moins avancés (PMA) avaient prévenu, en début d’après-midi, vendredi : ils n’accepteraient pas que la présidence qatarie joue la montre pour imposer un accord dans l’urgence. A 2 h 20, le représentant de la Gambie et porte-parole des PMA, Pa Ousman Jarju, le répète : “On partira sans accord, et alors ? Les pays industrialisés doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas nous demander d’accepter leurs conditions et refuser toutes nos propositions.”

DES NÉGOCIATEURS S’ENDORMENT SUR DES CANAPÉS DE FORTUNE

L’Union européenne souhaite fixer la seconde période d’engagement du protocole de Kyoto – le seul traité contraignant les pays industrialisés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre – à une période de huit ans. Les PMA veulent la limiter à cinq. L’Europedemande – pour satisfaire la Pologne – le report sur cette seconde période des créditscarbone non utilisés au cours de la première, tout en limitant la possibilité de lescommercialiser. Les pays pauvres refusent, critiquant une proposition qui conduit à affaiblirencore les engagements de réduction des émissions de CO2.

“Il n’y a rien dans les textes, que des promesses, toujours des promesses”, lâche, encore un peu plus tard, Kieren Keke, le délégué de Nauru. Les Etats-Unis adressent une fin de non recevoir à la notion de préjudice, que revendiquent les pays déstabilisés par le changement climatique. Contre toute attente, la fièvre s’emballe dans la salle où se discute le chapitre de l’indemnisation des “pertes et dommages”.

Dans les couloirs, des négociateurs épuisés s’endorment sur des canapés de fortune, bercés par la voix de la chanteuse Fairouz, que diffusent des hauts parleurs. A l’abri des regards, les facilitateurs désignés par la présidence tentent de rédiger des textes de compromis acceptables par toutes les parties.

“Résistez, nous sommes derrière les pays en développement” : un groupe de jeunes a déroulé un grand ruban rouge devant la salle où doivent reprendre les discussions. Il est huit heures du matin. Xie Zhenhua, le négociateur chinois, passe et fait un petit signe amical.

Le président Attiyah est de nouveau à son poste. Plus grave que la veille : “Voici le texte que je vous propose. Il est équilibré. Prenez le temps de le lire et ayez conscience que le mieux est l’ennemi du bien.” La journée ne fait que commencer et nul ne sait si Doha marquera d’une nouvelle pierre noire l’histoire de la négociation climatique, entamée à Rio il y a vingt ans. La ministre de l’écologie, Delphine Batho, admet que, si un accord est trouvé, “il sera modeste”.

Fonte: lemonde.fr

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